Portrait
du HAUT QUERCY PIERRE LOTI à Bretenoux |
Dans
le Roman d'un enfant, ce célèbre écrivain avoue :
"les deux pays de mon enfance ont été la Saintonge et celui-là, ensoleillés
tous deux ".
"Celui-là" est le nord du Quercy, la vallée
de la Dordogne, et plus précisément Bretenoux où il passait ses vacances d'été, chez " l'oncle du midi ". " Encore
aujourd'hui (1890) dans les lettres que j'écris à ma mère, je sens comme du soleil,
des odeurs de fruits du Midi, de l'air vif des montagnes". A 11 ans ce garçon
habitué à " l'immense uniformité " des plaines littorales de Rochefort
aperçut pour la première fois les " silhouettes bleuâtres " des contreforts
du Massif Central, la région lotoise du Ségala parée du feuillage frais et sombre
des châtaigniers. En traversant le Limargue, zone de prairies et de vergers, il
fut surpris par " les maisons qui se dressaient en vieux pignons, en vieilles
tourelles et qui se perchaient bien haut sur les sommets des collines."
Dans
le Lot, il fut sensible " au ciel limpide, à l'éblouissante lumière , à la
torpeur sur les villages à l'heure de la sieste " qu'il allait mettre à profit
en lisant Télémaque dont l'auteur (Fénelon) avait été
prieur au monastère de Carennac ( à 10 km). Les fruits
gorgés de soleil furent son régal : les prunes d'Agen mises à sécher sur les toits
et parfumant les greniers, les raisins dorés et les délicieuses pêches offertes
par les paysannes revenant des champs et dialoguant en langue d'oc. La " petite
ville singulière " de Bretenoux avec ses vieilles
portes ogivales, ses hauts remparts à mâchicoulis, ses rues bordées de maisons
gothiques était inattendue. Le lieu qui le fascina le plus fut le Château de
Castelnau qui dominait cette vallée où les rivières (la Cère, la Dordogne
et la Bave) " traçaient çà et là des lacets d'argent".
Il
se plaisait à s'effrayer dans cette forteresse médiévale " somptueux débris
de la France médiévale " (aujourd'hui restaurée), impressionnante avec ses
tours et ses donjons surplombant les douves profondes, ses souterrains et ses
oubliettes, ses galeries et ses immenses salles où résonnaient ses pas. Si Bretenoux
fut un lieu d'enchantement par son site, son atmosphère lumineuse et l'histoire
de ses pierres, ce fut aussi un espace de liberté où cet enfant s'épanouit. |
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P
Loti vers 1863 ( à 13 ans) |
Son "oncle du midi"
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Cousine
Ernestine |
L'oncle
et la tante l'accueillirent sur le seuil de leur maison Louis XIII, située à l'angle
d'une place pavée de galets noirs et entourée de porches. Il était attendu,
sur le pont de la Cère par son cousin et sa cousine qui le présentèrent
par la suite aux jeunes voisins, les trois enfants Trassi, dont le lointain ancêtre,
notaire royal, avait signé en 1277 la chartre des coutumes de Villefranche
d'Orlinde ( Bretenoux à l'époque). Il devint alors le " chef incontesté " de cette troupe à laquelle vinrent se joindre les enfants du comte de Saint
Fortunade et les " petits paysans prêts à le suivre avec soumission ". Il les
entraînait tous dans les prés bordant la Cère qui coulait dans son lit de cailloux
blancs, pour cueillir la marjolaine parfumée. Il les conduisait dans les chemins
creux à la recherche de fossiles, il les dirigeait vers les luzernes pour chasser
le très rare papillon citron aurore et enfin il les amenait jouer dans la très
ancienne ferme des Bories dont " le porche était blanchi à la chaux comme une
entrée de ville d'Afrique ", (aujourd'hui le Domaine de Borie des Rigal).
C'est
dans la campagne de Bretenoux, non loin de Saint
Céré, que cet imaginaire aventurier âgé alors de 13 ans, grisé
par sa liberté et son pouvoir de chef de bande prit la décision de s'engager dans
la marine. La lettre fut écrite dans le jardin de l'oncle à l'ombre des treilles
de muscat qui grillaient sous le soleil ( aujourd'hui cour de l'école Pierre
Loti) et fut envoyée à son frère Gustave, son aîné de 12 ans, qui était déjà mé- decin
dans la marine. A la fin de cet été 1863 il vécut à Bretenoux son premier chagrin
: prés de la fontaine de Saint Michel à " la discrète musique ", sa sœur
qui était sa deu- xième maman, artiste et spirituelle, allait l'abandonner ! Il
suffit de ce troisième été à Bretenoux riche en émotions pour que l'enfant qui
riait de tout, comme de l'atta- que intempestive des canards de la mare de Vayrac,
et qui courait pétulant et espiègle, devint un jeune adolescent responsable, solitaire
et grave, tourné vers son destin d'officier de marine et ne confiant ses tourments
qu'à ses œuvres. |
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