PORTRAIT DU HAUT QUERCY

 


Le Drac était un génie bien malin et quelque peu bouffon, mais essentiellement malfaisant, dont la nature était de tromper les gens. Il avait pour spécialité de s'attaquer aux enfants en les égarant mais aussi aux grandes personnes en leur jouant de mauvais tours : pour tourmenter les jeunes filles il se métamorphosait en ruban, en peloton. Elles étaient vite irritées, ne pouvant parvenir à nouer ce ruban sur leur tête ou à faire un seul point sans que le fil casse.

On le rejetait avec horreur et le ruban ou la bête éclatait de rire.
Il aimait bien aussi tromper les hommes avec les chevaux en les enfourchant. On racontait qu'un jour un pauvre vieux demanda à un cavalier de le prendre en croupe pour le mener à la foire. La demande fut agréée. Un peu plus loin un autre qui allait aussi à la foire put monter. Et ils n'étaient pas arrivés que vingt-trois hommes s'étaient installés sur le cheval et que sa croupe s'était allongée au fur et à mesure. Un dernier voulut prendre place. Comme il allait monter, des jeunes gens de l'autre côté de la rivière crièrent : " signez-vous vite ou vous êtes perdus". A ce signe de croix le cheval retrouva sa forme normale et les vingt-trois personne tombèrent. Le vieil homme fit entendre ces mots : " à vingt-quatre je vous noyais" et il éclata de rire, comme il en avait l'habitude.

Le Drac aimait aussi se cacher dans les lieux solitaires sous la forme d'un objet perdu : si on ramassait un foulard sur un chemin et qu'on le passât autour du cou, ou un agneau enlacé dans les ronces et qu'on le plaçât sur les épaules pour le transporter, il se mettait à grandir, à s'allonger jusqu'à ce qu'il touchât la terre.

Dans le Quercy les fatsilières étaient des génies femmes ayant une puissance diabolique. Elles se présentaient dans une brillante jeunesse ou une vieillesse difforme. Elles dansaient parfois à la clarté de la lune se mêlant dans certains cas à la tempête et volant aussi avec les nuages.
Les récits relatifs à ces génies occupaient une très grande place dans les réunions d'hiver auprès de l'âtre de la cheminée. Elles habitaient dans les grottes, les forêts profondes, les fontaines solitaires. Ces êtres féminins étaient moitié corps, moitié esprit, et se plaisaient à tourmenter les gens par quelques tours plus malins que malfaisants.

Il se disait, par exemple que si une personne portait sur la tête ou sur l'épaule un panier ou tout autre objet un peu volumineux, elles allaient danser sur l'objet en poussant de petits cris aigus semblables à ceux d'un petit enfant.
Il se racontait qu'une certaine ancienne noble dame était fatsilière. Une nuit un manant du pays aperçut une chatte noire qui jouait dans les rideaux de sa chambre. Il se leva et la frappa avec un bâton. La chatte disparut. Le lendemain le manant apprit que la châtelaine était alitée. Il s'empressa d'aller la voir. Dés son arrivée la noble dame lui dit :"comment, tu me plains et c'est toi qui m'as frappée la nuit dernière !" Le manant ne manqua pas d'être surpris et lui répondit :
" Madame, je n'aurais jamais pensé que vous apparteniez à cette espèce", et il s'en alla.

Aux premières heures de la nuit, les fatsilères aimaient s'asseoir sur les gens endormis en les pressant de tout leur poids et provoquaient des oppressions et des étouffements qui les réveillaient en sursaut. De là vient l'expression encore employée : "la fatsilièro m'a caxat" pour signifier qu'on a eu un cauchemar.
A Autoire, au passage d'une femme inconnue devant le moulin la farine devenait toute rouge. Il en était ainsi chaque fois que cette femme approchait du moulin. Il se dit donc qu'il s'agissait d'une fatsilière.
A Saint Céré un chemin qui mène à Saint Laurent Les Tours s'appelle le chemin des Foxilheros.