LA « ROUTE DE LA NOIX »
Le noyer était connu des Grecs IV siècles avant JC mais ces derniers ne s'y intéressèrent que lorsque les Perses, voici plus de 2000 ans, leur révélèrent une variété donnant des fruits bien plus savoureux que leurs noix sauvages. Alexandre le Grand le rapporta et les Grecs considérèrent alors qu'il suffisait d'avoir des noix et du vin pour s'estimer parfaitement heureux. Le Périgord fut ensuite un des berceaux de la noix, tout comme le Dauphiné : on a retrouvé la noix dans les habitations de l'homme de Cro-Magnon à côté de Terrasson en Dordogne, qui appréciait ce cadeau nutritionnel inestimable : il y a 17000 ans déjà les vergers suivaient la « Rivière espérance ».
Au X° les paysans payaient leurs dettes en noix. Et dès le XVII° il y eut le « Fleuve de la noix » : elle était exportée de Souillac vers Libourne puis les pays d'Europe. Et son huile fut probablement à l'origine de la première fortune du Périgord. Au XVIII° l'huile de noix et les grumes (troncs d'arbres abattus, ébranchés et écimés) deviennent des produits marchands très prisés, aussi précieux que l'or. Les gabares chargées de ce trésor descendent et montent la Dordogne en permanence. Car petit à petit l'huile acquiert de multiples usages : la cuisine pour les ¾ des paysans mais aussi éclairer les cathédrales, fabriquer des savons, de la peinture pour les peintres ...
Grâce au dénoisillage (énoisage aujourd'hui) il procure aux familles une source de revenus non négligeable. Devant le cantou durant les longues veillées, les énoisilleuses (énoiseuses) munies d'un maillet en bois fendent d'un coup sec et précis les noix sur une pierre plate. Elles accompagnent leur activité de chansons, de contes, de légendes et de nombreux proverbes, véritable culture d'une époque et d'une région. Ce geste ancestral a traversé les siècles et perdure encore aujourd'hui.
Mais son déclin va s'amorcer en 1830, les noyers du Périgord ne sont guère épargnés par la rigueur de l'hiver. Réintroduite dans la région, la noix est à nouveau malmenée pendant la Première Guerre Mondiale, à cause de l'abattage systématique des noyers, qui fournissent un bois fort recherché . Et la-dessus arrivent les huiles tropicales et la culture de nouvelles plantes oléagineuses comme le colza.
Il faudra attendre le milieu du XX° pour que toute la filière Noix du Périgord se mobilise afin d'obtenir de nouvelles variétés. La Franquette du Dauphiné fait alors son apparition en Périgord et Quercy.
Depuis 2002 et grâce à une constante quête de la qualité, la Noix du Périgord obtient l'Appellation d'Origine Contrôlée, 64 ans après la Noix de Grenoble AOC.
L'AOC est pour le consommateur la garantie d'une origine certifiée. Elle institue un territoire et un produit de qualité. Aussi dès 1994 le Syndicat de défense de la noix et du cerneau « Noix du Périgord » s'est donné pour mission d'obtenir ce sigle officiel de qualité. Et la première récolte qui en a bénéficié est celle de 2002.
Quatre départements principaux en jouissent :
Périgord |
297 communes |
4091 hectares |
Lot (Quercy) |
181 communes |
2028 ha |
Corrèze |
80 communes |
773 ha |
Charente |
20 communes |
112 ha |
L'AOC « Noix du Périgord » : 4 variétés principales à découvrir :
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Superficie |
Origine |
Caractéristiques |
Franquette |
70 % |
Dauphiné (Isère) 1784
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Coque allongée et pointue. Petit goût de noisette. D'énoisage facile elle est la plus appréciée. |
Marbot |
12 % |
Meyssac, Beaulieu, Argentat
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La plus grosse, appréciée en noix fraîche. Cerneau très blanc rappelant l'amande. |
Corne |
11 % |
Hautefort (Dordogne), Ayen (Corrèze) |
Cerneau clair, un peu sucré, fin en bouche. |
Grandjean |
4 % |
Sarladais, Dordogne |
Plutôt ronde, un peu colorée et charnue. Goût marqué un peu amer. |
Seules la Corne et la Marbot peuvent être mélangées quand elles sont sèches. Bijou est une variété ancienne peu cultivée. Le fruit est très gros (5 cm) mais au cerneau petit. La taille importante de la coque permettait lorsque l'on mettait une petite charnière entre les deux parties de la coque d'en faire un petit coffret à bijou, d'où son nom « Noyer bijou » ou « noix bijou ».
La cueillette de la noix fait maintenant partie du patrimoine culturel et gastronomique de notre région dont la notoriété dépasse les frontières, c'est bien connu.
Il se produit 10% de noix fraîches, 50% de noix sèches et 40% de cerneaux.
La « Route de la noix du Périgord »
Autrefois le « fleuve de la noix » reliait le Lot, la Corrèze et la Dordogne. Aujourd'hui c'est la « Route de la Noix » qui les relie par un itinéraire jalonné de noyers. Cette route créée par le Syndicat de défense sillonne tout le bassin nucicole et tente d'allier la noix et l'intérêt historique et touristique : Martel , la ville aux 7 tours, Collonges la Rouge où le rouge domine maisons et escaliers, Hautefort et son prestigieux château du XVII°, hommage à la maîtresse de Louis XIII, et Domme dont la bastide surplombe la Dordogne. Elle passe par Bretenoux , bastide du XIII° au milieu des noyeraies.
Le dimanche 27 septembre 2009 a été organisée au départ de Beaulieu sur Dordogne une Randonoix pédestre.
Trois produits pour une même appellation
La noix fraîche ou « primeur » : elle se déguste dès mi-septembre pendant peu de semaines. On vibre les noyers pour qu'elle tombe. Elle est ramassée dans son brou vert avant qu'il ne se fende, nettoyée et vendue aussitôt. Sa teneur en eau supérieure à 20 % lui confère une chair tendre et un parfum frais. Elle se pèle facilement mais elle est à garder au frigidaire pour conserver sa saveur : il vaut mieux l'acheter plusieurs fois par petites quantités. « Ce n'est que du bonheur ».
La noix sèche : elle est récoltée en octobre quand son brou bien fendu la laisse tomber, avec une machine munie d'une sorte de balai qui la rabat en-dessous. Elle est aussitôt lavée (l'eau chlorée n'est plus tolérée depuis 2006), et séchée à air chaud pour lui garder un cerneau le plus clair possible.
Le cerneau : il provient des noix séchées. La machine remplace progressivement l'homme pour casser la coque, mais l'extraction du cerneau (énoisage) reste encore manuel.
Les chocolatiers et fromagers le préfèrent entier et blond tandis que les boulangers, pâtissiers et confiseurs le désirent plus coloré et légèrement écorné.
Station expérimentale nucicole de Creysse
C'était à la fois la signature d'une terre et la réputation d'un patrimoine qu'il s'agissait de défendre. Alors a été créée en 1987, la Station régionale professionnelle de Creysse, gérée par la Profession du Bassin de production Grand Sud-Ouest (BGSO). Située stratégiquement au carrefour de 3 départements à forte tradition nucicole : le Lot, la Corrèze et la Dordogne, la Station Expérimentale basée à Creysse, petit village touristique du Quercy (Lot), sur la rive droite de la Dordogne, prépare la noyeraie de demain en privilégiant la qualité.
Le Syndicat de défense de la noix et du cerneau de Noix du Périgord (association loi de 1901) a été créé en septembre 1994 avec pour mission première d'obtenir l'Appellation d'Origine Contrôlée (A.O.C) «Noix du Périgord» pour la noix fraîche, la noix sèche et le cerneau de noix. Cette AOC a vu le jour en mai 2002 après 8 années de travail en étroite collaboration avec l'INAO (l'Institut National des Appellations d'Origine).
Dans la noix tout est bon
Selon des études récentes, ces fruits oléagineux se montrent également bénéfiques pour la santé cardio-vasculaire et le bon développement du cerveau et de la rétine en raison de leurs acides gras poly-insaturés et de leur richesse en magnésium.
La noix est également source d'Oméga 3. La consommation de 3 à 5 noix (ou deux cuillères à soupe d'huile de noix) satisfait le besoin quotidien de 2 grammes en Oméga 3. La noix est donc très bonne si on surveille son cholestérol : elle diminue le « mauvais » cholestérol. Aliment riche en zinc, en cuivre et en potassium elle est aussi un complément utile en cas d'efforts physiques. Son phosphore stimule la mémoire. Elle est un « anti-stress » grâce à son magnésium. Sans parler de sa richesse en fibres ( 5 à 6%), en vitamines B, et E le fameux « élixir de jeunesse » qui empêche la formation des radicaux libres.
Enfin, concernant l'acide linoléique la dose nécessaire par jour est de 10g : 3 à 4 noix suffisent. 8,33g (soit 1 cuillère à soupe) d'huile de noix équivalent à 55,5g d'huile d'olive et 186g de beurre.
Donc pour garder la santé il faut intégrer la noix dans son régime alimentaire !
Mais la noix peut être allergène, il ne faut pas la faire manger aux enfants de moins de 3 ans.
L'huile de noix : on écrase les cerneaux pendant 1/2h, on porte à 40° pour obtenir une pâte puis on grille la peau à 60/80° pour donner plus de goût à l'huile. Pour 40 kg de noix décortiquées, on obtient 20 litres d'huile. Cependant, c'est une huile onéreuse et qui se rancit assez rapidement à la lumière et/ou à la chaleur, du fait de la forte proportion d'acides gras insaturés la composant. C'est pourquoi l'huile de noix ne supporte pas d'être employée en guise d'huile de cuisson ou de friture. Trois grains de gros sel dans la bouteille permettraient une meilleure conservation.
Les coques de noix sont utilisées comme combustible pour alimenter le feu des moulins, une société japonaise les utilise même comme abrasif. Les feuilles peuvent servir pour éloigner les insectes telles les fourmis, les mouches et les punaises. Il vaut mieux éviter de mettre des feuilles de noyer dans le compost, elles sont réputées être toxiques pour les autres plantes.
Les feuilles et les chatons, c'est-à-dire les fleurs mâles, peuvent servir pour faire des alcools ou des décoctions, et l'on peut même faire des condiments avec la noix verte : c'est la noix-cornichon.
Quant au noyer et à sa ronce, c'est un bois d'excellente qualité très recherché pour la menuiserie et l'ébénisterie.
Les tourteaux, résidus de la pression, peuvent servir de nourriture pour les animaux.
Utilisations et recettes
Pour mieux la connaître, dès la sortie de Bretenoux et dans toutes les communes environnantes, il faut emprunter la Route de la Noix , à la découverte des vergers des producteurs et de leurs spécialités. Et ne pas hésiter à la mettre sur les listes des courses.
En automne et en hiver, pour ne pas manquer d'Oméga 3, faire le plein de recettes à la noix !
Conserver l'huile de noix au réfrigérateur dans une bouteille opaque avec un bouchon à vis, elle ne fige pas.
Conserver les cerneaux secs au réfrigérateur (ou au congélateur) dans une boîte ou un bocal hermétique.
A l'heure de l'apéritif proposer des cerneaux de noix natures, salés ou aromatisés, des pruneaux fourrés aux cerneaux de noix pour apporter une touche originale à ce moment traditionnel et convivial.
La consommation européenne est d'environ 500g par habitant et par an.
De petites astuces pour plus de saveur...
Si vous désirez en aromatiser une mayonnaise, préparez cette dernière avec moitié huile de noix et moitié huile de tournesol. Pour vos préparations, hachez les cerneaux de noix au couteau. Evitez de les broyer car ils peuvent développer alors de l'amertume.
Pour les salades à l'huile de noix, pas d'acidité : du sel, du poivre, de l'échalotte grise plutôt que de l'ail, trop puissant, et rien d'autre. Brasser la salade 20 minutes avant de la servir parsemée de cerneaux hachés.
Pour des cuissons poêlées, n'utilisez jamais l'huile de noix pure, coupez-la de beurre à partie égale.
Vin de noix : Cueillir les noix vertes le jour de la Saint Jean, le 24 juin. Les écraser un peu, Il faut 40 noix pour 5 litres de vin rouge. Prenez un très bon vin, c'est le secret de la réussite de votre apéritif. Laissez macérer les noix dans le vin durant 40 journées. Puis rajoutez 40 morceaux de sucre, un bâton de vanille des îles, et un litre d'alcool à 90°. Laissez le sucre se dissoudre quelques jours, patience, et buvez votre fabrication maison de vin de noix.
Un cortège de légendes
La forme très particulière du cerneau qui rappelle les hémisphères cérébraux faisait croire aux Anciens que la noix guérissait toutes sortes de maux de tête. Ce qui engendra bon nombre de croyances et de superstitions.
Selon Pline l'Ancien, les noix neutralisaient les poisons ; mélangées avec de l'oignon, du sel et du miel elles étaient très efficaces contre les morsures de chiens même enragés.
Avec la coquille de noix on cautérisait les dents creuses. La coquille, brûlée et pilée dans l'huile, faisait croître les cheveux.
Il n'y a pas si longtemps, l'on assurait dans les campagnes qu'il ne fallait pas se reposer ou sommeiller sous l'ombre d'un noyer sous peine de "ne pas se réveiller". Cette superstition était liée à la croyance de la sécrétion par les racines du noyer d'une substance toxique qui faisait périr tout ce qui pouvait pousser en dessous. En fait, on risquait surtout d'attraper une pneumonie en passant du chaud au froid, c'est pourquoi on relégua le noyer à l'écart des cultures.
Mais Napoléon ne partagea pas cette crainte populaire. Pensant à ses troupes qui restaient plus vaillantes lorsqu'elles se déplaçaient à l'abri du soleil, il promulgua un décret qui fixait les distances à respecter lors de l'implantation des noyers au bord des routes.
Autrefois, en Gascogne, lorsqu'un jeune homme demandait la main d'une jeune fille, il était invité à partager le repas familial. Si à la fin du repas on lui présentait des noix, cela signifiait que sa demande était rejetée.
Mais parions que de belles noix de la « Route de la noix » à la fin de nos repas ne seront pas rejetées, elles.
Source : Syndicat de défense de la noix du Périgord et du cerneau de Noix de Périgord à Creysse
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